Avec son roman, « Une si longue lettre », Mariama Bâ dresse un tableau sans concession du rôle difficile et parfois ingrat de la femme dans une société africaine post-coloniale, ici le Sénégal. Dans le dessein de témoigner, elle recours à une méthode littéraire singulière, la rédaction d’une longue lettre faite par une congénère, son double biographique. Cette femme d’une cinquantaine d’années avec ses douze enfants, louvoyant contre vent et marée parmi les privilèges des hommes, adresse une missive à sa meilleure amie, Aïsatou. Au contraire de l’auteure de la lettre, sa confidente qui ne supportait plus le règne de l’homme tout puissant, a fait le choix de s’exiler à l’étranger où elle peut désormais accomplir ses projets sans que son état de femme soit un obstacle. Et pourtant, des années auparavant, que de promesses avec les soleils des indépendances où les élites formées à l’étranger étaient revenues au pays pour reconstruire un Sénégal libéré de tout obscurantisme. Une nouvelle génération qui désirait une vraie égalité entre les femmes et les hommes. Mais ce vent de libertés et d’espoirs s’est vite dissipé. Qui veut réformer les coutumes multiséculaires aux assises quasi inébranlables se confronte à une inertie d’un peuple organisé autour de ces règles de droit. De plus, très vite la hardiesse de ses jeunes libérateurs s’essouffle. Les espoirs d’un jour nouveau sont très vites remisés. La polygamie continue à être une pratique courante à l’instar des obligations d’un autre temps imposées aux épouses d’un mari décédé. L’état des lieux est sévère. Pour y échapper, faut-il immigrer sous un autre soleil à la manière de Aïsatou ? Pour l’auteur de la lettre, il est trop tard. Le temps des repentances est terminé. Fataliste mais pleine d’amour et de vigilance pour ses enfants, c’est à eux désormais que revient l’obligation d’acquérir une plus grande indépendance sur des traditions liberticides.